La légende du Saint Gióng
Les fêtes de Gióng des temples de Phù Ðông et de Sóc, à Hanoi, inscrites mi-novembre au patrimoine mondial immatériel de l’UNESCO, conservent de nombreux éléments primitifs, traduisant l’identité vietnamienne mais aussi une valeur universelle exceptionnelle.
Tous les Vietnamiens connaissent dès leur enfance la légende du saint Gióng. On adore ce génie céleste dont l’épopée, racontée partout dans le pays avec une foule de détails, exprime le patriotisme traditionnel du peuple vietnamien durant des milliers d’années. Gióng est l’un des quatre génies immortels de la nation.
Chaque année, la fête du génie Gióng a lieu les 8 et 9 du 4e mois lunaire dans la commune de Phù Dông (district de Gia Lâm, Hanoi), pays natal du génie céleste. Cette fête, qui se déroule au temple de Phù Dông, se distingue de celle au temple de Sóc qui a lieu le 6 du premier mois lunaire dans la commune de Phù Linh (district de Sóc Son, Hanoi aussi), lieu où le génie s’envola sur son destrier de fer vers le ciel.
La fête du saint Gióng est le rappel d’une épopée célèbre du peuple vietnamien. La légende raconte que sous le règne du 6e roi Hùng, une vieille fille du village au village de Phù Dông (commune de Phù Dông, district de Gia Lâm) pose par hasard son pied sur la gigantesque empreinte d’un pied divin et donne naissance à un enfant. Pendant trois ans, le petit Gióng ne parle pas, étendu sur son lit.
À l’époque, les envahisseurs venus du Nord mettaient le pays à feu et à sang. Un jour, le héraut royal traverse le village pour mobiliser l’aide du peuple. À peine les porte-voix se sont-ils tus que le bambin se lève comme par enchantement et s’exprime pour la première fois de sa vie : « Maman, fait le venir ici ! » Entre joie et crainte, la mère demande au messager de rencontrer l’enfant.
Lorsque le messager du roi arrive, l’enfant se lève et dit : « Vous prierez le roi de me forger un cheval de fer haut de 18 mesures, une épée de sept et un casque en fer. Quand l’ennemi me verra avec cette armure et sur le dos d’un tel cheval, il se dispersera ». Le messager revient à la Cour et expose ces faits au roi. La tâche est immédiatement confiée aux meilleurs forgerons du pays.
À partir de ce jour, il consommait tellement de vivres que sa mère devint impuissante à le nourrir, les habitants de la région lui vinrent en aide en apportant du riz et des aubergines. L’émissaire du roi revint. On apporta le cheval, l’épée et le casque à l’enfant. Celui-ci haussa les épaules et prit une taille de 20 mesures, leva la tête en l’air, poussa des cris, prit l’épée et dit : « Je suis un génie céleste. » Puis il sauta sur son cheval, mit son casque, fendit l’air et se rendit en un clin d’oeil au camp royal. Il ordonna à l’armée de le suivre.
L’ennemi fut atteint à la montagne de Trâu Son (Tiên Du, Bac Ninh), et le combat s’engagea immédiatement. Mais, au fort de la mêlée, l’épée de fer fut brisée. L’enfant-génie arracha une touffe de bambous et s’en servit pour disperser l’ennemi. Après la victoire, le guerrier poursuivit sa route jusqu’à la montagne de Sóc Son (en banlieue de Hanoi), où il s’envola vers les cieux.
Le roi Hùng, en reconnaissance des services rendus par l’enfant-génie, ordonna de construire un temple en son honneur dans son village natal et lui conféra le titre de Phù Dông thiên vuong (son Altesse royale céleste de Phù Dông). Gióng est le nom populaire du village de Phù Dông.
Les caractères originaux de la fête de Gióng
À la mi-novembre, les fêtes de Gióng des temples de Phù Ðông et de Sóc ont été inscrites sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. « Cette fameuse fête à quatre caractères distingués et originaux, porte non seulement l’identité nationale, mais aussi une identité universelle », déclare le professeur Ngô Duc Thinh, membre du Conseil du patrimoine national, et qui a participé à l’élaboration du dossier sur la Fête de Gióng à l’adresse de l’UNESCO.
Premièrement, le saint Gióng est le symbole de la nation dans ses luttes multiples contre les agresseurs. « Lutter contre les agresseurs est une des affaires de l’humanité, dit Ngô Duc Thinh. Mais pour les Vietnamiens, la tradition patriotique est traduite par le symbole d’un enfant de trois ans. Ses premières paroles furent la demande de combattre les agresseurs, pour sauver la nation ».
Deuxièmement, le symbole du saint Gióng contient également l’aspiration du peuple vietnamien à la paix. « Car, après la victoire, le guerrier s’éleva dans le ciel, devenant le saint protecteur de la paix de la nation », explique le chercheur Ngô Duc Thinh.
Troisièmement, les représentations de la fête de Gióng se distinguent de celles d’autres fêtes du pays, avec trois représentations principales : chants et danses d’Ai Lao en l’honneur du génie, procession et les trois batailles contre les agresseurs. Avant de s’atteler à la reconstitution des trois batailles, les villageois font une procession au temple de la Mère, avec la statue du saint Gióng, en allant chercher de l’eau dans le puits situé avant ce temple, laquelle est destinée au nettoyage des armes. Cet acte signifie « donner plus de forces au saint Gióng pour sa lutte contre les agresseurs ».
Pendant la reconstitution des trois batailles, le champ de bataille est représenté par trois nattes blanches. Au milieu de chaque natte est posé un bol renversé sur une feuille de papier blanc symbolisant les montagnes, les nuages et les plaines. Le gardien du drapeau (hiêu co) représentant le génie, sort en agitant le drapeau, enlève de son pied droit le bol à trois reprises, exprimant la force extraordinaire du saint.
Quatrièmement, le caractère communautaire est hautement exprimé dans la fête de Gióng. Selon l’épopée, tout le village contribua aux besoins de l’enfant-génie. Et la fête en l’honneur de Gióng est préparée, organisée par l’ensemble des villageois, toujours d’après le Professeur Ngô Duc Thinh, membre du Conseil de patrimoine national.
Avant, la fête avait lieu sept jours durant. Actuellement, les cérémonies se déroulent pendant trois jours seulement, mais les mœurs primitives sont restées intactes, ajoute Ngô Duc Thinh. En effet, à Phù Dông et Sóc Son, « les habitants sont conscients de la nécessitée de sauvegarder les anciens textes relatifs aux règlements d’organisation des fêtes de Gióng », fait savoir Mme le Docteur Tu Thi Loan, de l’Institut de culture et d’art du Vietnam.
Lors de la conception du dossier sur les fêtes de Gióng, les chercheurs ont confronté les résultats de recherche effectués sur le terrain avec une série de travaux d’études menés de 1893 à présent par différents scientifiques français et vietnamiens. Ainsi, bien qu’il y ait eu une période d’interruption, entre 1945 et 1982, les fêtes ont toujours réussi à maintenir leurs valeurs culturelle, historique et religieuse.
(Source: CVN)
Commentaires récents