Ho Chi Minh-Ville (Saigon) : la capitale du sud
« Perle de l’Extrême-Orient », Saïgon a longtemps représenté la porte de l’imaginaire ouverte à un exotisme colonial, chargé de langoureuses voluptés, la promesse d’un ailleurs mystérieux, l’espoir d’une nouvelle vie (voir voyage Vietnam). La « Belle Colonie » a été rebaptisée plus prosaïquement Ho Chi Minh-Ville depuis 1976, pour bien marquer la vassalité du Sud à l’égard du Nord, mais on continue à l’appeler Saïgon. A travers l’histoire La ville apparaît au XVIIe siècle sous le nom cambodgien de Prey Nokor, « la forêt de la capitale ». Ce petit port-relais est ouvert sur l’intérieur du pays, grâce à un réseau d’artères fluviales qui sillonnent le delta du Mékong. S’y installent des commerçants de diverses nationalités : chinois, indiens, arabes, malais qui transforment cette cité en un vaste entrepôt commercial. Prey Nokor se peuple progressivement de Vietnamiens du Nord et de Chinois chassés par les Mandchous. Au XVIIIe siècle, Prey Nokor est rattachée à la seigneurie de Hué et prend le nom de Saïgon (qui signifie en chinois « bois de ouatiers »). Puis, elle devient en 1789, la capitale des Nguyên, « les Seigneurs du Sud », au milieu d’un « vaste marais traversé par des cours d’eau nauséabonds ». Un siècle plus tard, grâce à la France, le petit port de pêcheurs se transforme en une belle ville coloniale avec l’annexe chinoise de Cho-Lon qui lui est rattachée. Capitale de la Cochinchine, seul des cinq territoires de l’Indochine à recevoir le statut de colonie (alors que le Tonkin et l’Annam sont des protectorats), Saïgon devient, dès les années vingt, « le Paris de l’Extrême Orient ». Ce « Saïgon d’exil et de langueur » (Pierre Loti), régulièrement secoué par des mouvements anticoloniaux, jouera un rôle très important comme capitale du Sud durant la période américaine. La ville deviendra un grand marché de prostitution et de drogue jusqu’en 1975, où dans un invraisemblable ballet d’hélicoptères, dans une ambiance d’apocalypse, le sauve-qui-peut sera généra. Le 30 avril 1975 les forces révolutionnaires pénétreront dans la rue Catinat, ce sera le début d’un long syndrome. Aujourd’hui, Ho Chi Minh-Ville, avec cinq millions d’habitants, demeure la capitale économique et commerciale du pays. Cosmopolite comme Bangkok et Singapour, elle pourrait, elle aussi, devenir dans un avenir proche, une des plaques tournantes de l’Asie du Sud-Est.
Visiter Ho Chi Minh-Ville
Plus qu’à Hanoï, la présence française est ici évidente. On retrouve avec beaucoup d’émotion la rue Catinat (Dong Khoi), longue artère qui part du port, remonte jusqu’à la place Lam Son. Là, se trouve le Théâtre Municipal (Nha Hat Thanh Pho), construit en 1899, qui fit fonction d’Assemblée Nationale sous le régime du Sud-Vietnam. Sur cette place, bien restaurée, se dresse également l’Hôtel Continental, véritable « monument historique » qui vit passer Dorgelès, Malraux, de Croisset, Graham Greene, Somerset Maugham, Larteguy, Bodard et tant d’autres « baroudeurs ». A gauche, avant de remonter la rue Catinat (nom d’un bâtiment de la flotte française qui avait participé aux interventions militaires à Tourane ‘ Danang ‘ en 1856 et à Saïgon en 1859), prenez la rue Lê Loi (ancien boulevard Bonnard) pour aller jusqu’à l’Hôtel de ville, daté de 1908. Décoré par Ruffier, dans un style très kitsch, il a été repeint de couleur ocre. En continuant la rue Lê Loi, on parvient au Marché central (Ben Thanh), aussi animé qu’à l’époque coloniale, aux odeurs de poisson et d’épices. Ce marché couvert, qui s’étend sur 11 000 m², fut ouvert en 1914. De retour sur la place Lam Son, en remontant la célèbre rue Catinat aujourd’hui animée de boutiques de souvenirs qui ont remplacé les bars à filles de l’époque américaine, on se rendra à la Cathédrale Notre-Dame, place de la Commune de Paris.
Edifiée entre 1877 et 1883, elle fut construite en briques rouges sur un soubassement de granit. Ses deux grandes tours carrées surmontées de deux flèches en métal dominent la rue Catinat. A l’intérieur, la cathédrale abrite de nombreux ex-voto en français et en vietnamien. On peut assister à trois offices par jour et six le dimanche. Sur la place, devant la cathédrale se dresse une petite statue de la Vierge Marie. A droite, la Poste centrale (1891) se remarque toujours par sa belle verrière charpentée de fer par Gustave Eiffel. La promenade la plus agréable, au centre de Ho Chi Minh-Ville, est de flâner en fin d’après-midi, sur les quais. Le quai Ton Duc Thag avec la statue de Tran Hung Dao (célèbre héros vainqueur de l’envahisseur chinois) peut être le départ de cette flânerie. Le port de Saïgon a, depuis ses origines, toujours déployé une intense activité. Situé à 80 km de la côte, au confluent de la rivière de Saïgon et du canal Kinh Te, il permet à des navires de fort tonnages de venir mouiller jusqu’au centre de la ville. On se promenait autrefois, le dimanche après-midi, « Pointe des Blagueurs », face à l’hôtel des Messageries Maritimes. On pouvait alors assister au départ du grand paquebot blanc, pour la Métropole, alors qu’il amorçait son grand virage pour descendre la rivière. Le bateau glissait le long des palétuviers jusqu’au Cap Saint-Jacques. Il partait ensuite pour Singapour puis l’océan Indien jusqu’à Colombo (île de Ceylan). Il s’arrêtait à Djibouti pour le ravitaillement en eau, puis c’était le passage du canal de Suez peuplé d’ibis roses, enfin la Méditerranée aux îles parfumées et le quai de la Joliette à Marseille. Le voyage durait plus d’un mois. Les Messageries Maritimes sont devenues aujourd’hui le Musée Ho Chi Minh pour témoigner du départ du « père de la Nation » pour l’étranger en 1911. Ce bâtiment de style colonial, construit en 1863, renferme de nombreux documents et photos. Une autre promenade bien agréable, dans la journée, est celle du Jardin Zoologique et Botanique (Thao Cam Vien) situé à l’est de la ville au bout du boulevard Le Duan (boulevard Norodom). Si la section zoologique est assez délabrée (oiseaux, crocodiles, éléphants), le jardin réunit près de deux mille espèces végétales, depuis 1864, grâce au botaniste Pierre et au vétérinaire Germain.
Le Musée National d’Histoire
(Vien Bao Tang Lich Su) Il a été édifié en 1929. Sa visite est recommandée pour son importante collection de sculptures chams et khmères. Une salle est consacrée au site de Oc Eo (ancien royaume de Fou-nan, dans le delta du Mékong), jadis port de commerce maritime où l’on a retrouvé des objets venus de Rome, d’Iran, d’Inde et de Chine. Ce site a été fouillé par Louis Malleret, autrefois conservateur de ce musée, qui portait le nom de « Musée Blanchard de la Brosse ». Il comporte également une belle collection de porcelaines chinoises et une salle consacrée aux ethnies du pays. Derrière le bâtiment, au troisième étage, une bibliothèque de recherches abrite de nombreux ouvrages d’archéologie, rédigés en français. On peut y assister à un spectacle de marionnettes sur l’eau. En face du musée, le Den Hung (temple du souvenir) est dédié au roi Hung Vuong, fondateur du royaume de Van Lang, remis à l’honneur par l’ex-président Thieu.
Le Palais de la Réunification (ex-palais de l’Indépendance).
Il a été construit sur l’emplacement de la résidence du gouverneur général (palais Norodom). De style moderne, il fut le siège du gouvernement et le palais présidentiel de la République du Sud-Vietnam. C’est ici, le 30 avril 1975, que les premiers chars entrés dans Saïgon, enfoncèrent les grilles et que le gouvernement du Sud du pays se rendit sans conditions à l’armée nord-vietnamienne. On visite une centaine de pièces décorées et meublées au milieu d’une foule toujours abondante. Le bâtiment est entouré par un très beau parc, ancien parc Blanchard-de-la-Brosse où eut lieu la grande foire de Saïgon en 1942.
L’ex-Ambassade des Etats-Unis
(Avenue Lê Duan, autrefois avenue du 30-Avril); Elle représente le symbole de l’échec de la politique américaine au Vietnam et d’une longue guerre des plus meurtrières (58 000 morts) perdue malgré l’envoi d’un corps expéditionnaire de plus de 500 000 hommes. L’immeuble moderne protégé par un haut mur alvéolé est situé derrière le consulat général de France. Sur une plaque rédigée par l’ambassadeur Ellsworth Bunker, est écrit : « Construite en temps de guerre, dédiée à la cause de la paix ». On se souvient des images télévisées où des milliers de Saïgonais tentaient de quitter la ville par les hélicoptères qui décollaient du toit de l’ambassade pour aller se poser sur les porte-avions de la 7e flotte. Devaient naître ensuite les premiers « boat people ».
La Pagode Vinh Nghiem (339, Nam Khoi Nghia)
Elle offre une architecture moderne des années 70, et de nombreuses tablettes funéraires de défunts récents (moins de cent jours). Chacun des sept étages de la tour qui surplombe le temple contient une statue de Bouddha.
Pagode de l’Empereur de Jade (Chua Ngoc Hoang).
Elle est située 73 rue Mai Thi Luu. Construite en 1892 par la communauté cantonaise, elle est dédiée à l’Empereur de Jade, divinité taoïste. A l’étage, une salle est consacrée à Quam Am. Dans le jardin, on trouve un bassin avec poissons et tortues (d’où le nom de « Pagode des tortues »).
La Pagode de Giac Lam Lam
Dans le district de Tan Binh, à 5 km à l’ouest du centre, 118 rue Lac Long Quan. Datée de la fin du XVIIe siècle mais restaurée autour de 1900, ses piliers de bois de la salle du culte portent des inscriptions en caractère nôm. Nombreuses statues de Bouddha en bois de jacquier ainsi que Quan Am à dix-huit bras. Un arbre des âmes errantes est constitué de quarante-neuf lampes et statues de Bouddha.
La Pagode de Giac Vien
(à 6 km à l’ouest du centre, près du lac Dam Sen, 247 rue Lac Long Quan). Le temple contient pus d’une centaine de statues bouddhiques ainsi qu’un palanquin richement décoré offert par la cour des Nguyen au fondateur du temple, Hai Tinh Giac. Le Temple du Général Le Van Duyet (126 Dinh Tiên Hoang). Le Van Duyêt fut un ami de l’Empereur Gia Long. Son tombeau fut détruit en 1931 pour condamner les bonnes relations qu’il avait eues avec les Français puis reconstruit en 1937 après réhabilitation. Deux tombes (celle du général et de son épouse) sont placées à l’intérieur d’une enceinte. Saïgon compte une dizaine de mosquées. La principale est située 66 rue Dong Du (près de la rue Catinat) et date de 1935. Elle est essentiellement fréquentée par des musulmans d’origine malaise.
Cho-Lon, le grand marché de Saïgon
Cho-Lon (on prononce « Tieu leune ») était autrefois une ville séparée de Saïgon. Aujourd’hui, elle en constitue le 5e arrondissement. Cho-Lon signifie « grand marché » et représente le grand centre commerçant de la capitale du Sud avec une population d’un demi-million de Vietnamiens d’origine chinoise, les Hoa. Les nombreux petits marchés, bons restaurants, boutiques en tous genres, pagodes et temples chinois peinturlurés, donnent à la ville un caractère exotique des plus dépaysants.
Deux temples sont à visiter (de préférence le matin lors de la dépose des offrandes par les fidèles). Ils sont situés dans la rue Nguyen Trai. Au n° 710, le Temple Thien Hau, très décoré, datant de la fin du XVIIIe siècle et dédié à Thien Hau (la Dame Céleste), patronne des marins. A l’entrée, dans la cour, nombreuses statuettes de céramique sur les toitures. A l’intérieur du temple, les fidèles déposent les offrandes (encens, fleurs, nourriture) et brûlent des papiers votifs dans un grand four placé à droite. A remarquer, l’encens présenté sous forme de grands serpentins coniques, suspendus comme des nasses.
A la droite de Tien Hau : la statue de Long Mau, protectrice des mères et de leur nouveau-né et à gauche : Ba Me Sahn, déesse de la fécondité que les femmes stériles ou qui n’ont que des filles, viennent visiter. On peut voir également la maquette du bateau qui aurait transporté les premiers immigrants venus de Canton.
Au 802 de la rue Nguyen Trai, la Pagode Ha Chuong est également dédiée à Tien Hau. On trouve dans ce temple, à gauche, le dieu du bonheur, Ong Bon et à droite : Ba Me Sahn, la protectrice des femmes stériles ainsi que Quan Công, le juge à visage rouge accompagné de son fils en habit de mandarin.
On peut visiter au 678 de cette même rue, le Temple de Nghia Hoi Quan aux reliefs de bois sculptés (même iconographie religieuse que pour le temple précédent). Les amateurs de couleur locale seront séduits par le Marché de Binh Tay, le second après celui d’Ho Chi Minh-ville.
Le Quai de l’Arroyo chinois (Bên Nghé) où demeurent encore quelques jonques et des habitations en bois sur pilotis, dans une forte odeur de vase, nous ramène à Saïgon. Sur le quai Chuong Duong, au numéro 122, le Temple Nhat Tan, est très photogénique. Saïgon ou les charmes de la « Belle Colonie » Ville appartenant à la fois à l’Orient et l’Occident, Saïgon, à l’époque française, « n’a ni plus de vertu ni plus de vice que les autres cités ; elle vit avec exubérance ! » (Albert Vivies).
En 1859, la ville se réduit à un marché situé à proximité d’une pagode au milieu de canaux fangeux ; on y construit sur un radeau de bambou, une maison pour les bains. En 1863, la ville a déjà changé d’aspect avec « de larges voies macadamisées se coupant à angle droit » (du Hailly), elles sont bordées de tamariniers et de manguiers. Dans les années trente, la rue Catinat devient l’axe principal de la cité avec son « café de Paris », ses boutiques où se mélangent les produits d’Asie et d’Europe.
Au « Continental » et à « la Pagode », les salons bruissent de futilités, de regrets et de projets. Soldats et matelots flânent devant les vitrines de souvenirs, harcelés par les nhos, petits vendeurs de cacahuètes grillées et de graines de pastèques. On s’égare parfois vers le boulevard Bonard ou vers les Grands Magasins Charner pour revenir vers l’Hôtel de ville. A l’heure sacrée de la sieste, la rue Catinat se vide de ses jeunes femmes, vêtues de robes légères ou de longs pantalons blancs de soie souple.
Alors que la lumière des heures fait naître un sourire différent à la ville, la « Perle de l’Extrême Orient » retrouve son estampille de cité asiatique. Ses rues redeviennent grouillantes, le port s’éclaire des premiers néons, les pédaleurs de « cyclos » guettent le client le plus généreux tandis que sur les pelouses, des promeneurs s’assoient à même le gazon à la recherche de la fraîcheur de la nuit où stagnent les senteurs capiteuses.
Demain les larges avenues bordées de flamboyants retrouveront leur animation, les fleurs s’ouvriront dans les jardins comme de grands parasols. Il sera difficile d’oublier « la Belle Colonie ».
Où retrouver l’architecture coloniale ?
En dehors du théâtre, de l’hôtel de ville, de la poste, des Messageries Maritimes et de l’hôtel Continental déjà cités, l’amateur de souvenirs pourra retrouver l’ex-lycée Chasseloup Laubat (1882) évoqué par Marguerite Duras dans L’Amant, aujourd’hui lycée Lê Quy Don. L’ex-palais de justice (1885), les grands magasins Charner (à l’angle de Nguyên Huê et de Lê Loi) et surtout le palais du gouverneur de la Cochinchine, aujourd’hui musée de la Révolution, compléteront cette promenade dans le temps.
Saïgon à l’heure américaine
En avril 1956, la France quitte le Vietnam. Saïgon et le Sud du pays sont placés sous « protectorat américain ». En 1966, Saïgon, déjà décrépie, reçoit des milliers de militaires qui considèrent que cette ville a été conçue « pour le plaisir du guerrier ». Les bars et les cabarets (tels « L’Arc-en-Ciel » et le « Maximos ») sont contrôlés par l’Union Corse (la Mafia) et par la société secrète chinoise Tong.
Opium et LSD sont vendus dans de nombreux bars. Si les Français y avaient légalisé les « maisons closes », les Américains feront de Saïgon un immense lieu de plaisir où l’on trouve à volonté alcool, drogue et filles bon marché. Les rues sont encombrées de scooters et de voitures, les magasins regorgent de produits occidentaux. De cette période, naît tout un vocabulaire : dans le hall de l’hôtel Rex (résidence des officiers célibataires), on parle de « la rose de Saïgon » qui est une maladie vénérienne, du « laotien rouge » qui est la marijuana.
On écoute tous les matins l’AFVN (Radio des Forces Armées aux Vietnam) avec l’indicatif « Good morning Viet-nâm ! ». La ville s’organise avec ses quartiers chauds comme Pee Alley, près de l’aéroport ou Soul City où les bars à filles sont réservés aux G.I’s noirs. La capitale de la République du Sud-Vietnam, qui était devenue la ville de permission, chute en 1975. Celle qui fut la vitrine de la débauche entre en pénitence : les prostituées et les trafiquants sont expulsés ou exécutés, la ville est nettoyée, et perd son nom. Il lui faudra quinze ans pour purger ses peines.
Vidéo : Traffic in Frenetic HCMC, Vietnam