Carnet de route au Vietnam : ma parenthèse inattendue
Carnet de route du voyage de presse organisé du 2 au 10 juin 2013 par l’agence Tangka. Le circuit Vietnam choisi longeait, du sud au nord, la Route Mandarine. Idéal pour goûter au charme éternel du Vietnam
Ma parenthèse inattendue
Il faut bien se l’avouer, je n’aurais jamais choisi cette destination. Trop d’à-priori en tête, dictés pas la méconnaissance. Trop de clichés à la peau dure, aux relents postcoloniaux et/ou postcommunistes. Mais, un jour d’avril, le Vietnam s’est offert à moi sur un plateau. Je n’avais qu’à tendre les baguettes pour en goûter les charmes et saveurs. A volonté. Comme souvent dans un plat réussi, c’est le mélange d’ingrédients savamment dosés qui a fait la révolution de palais. L’équilibre. Ici, du Capharnaüm se dégage toujours une forme d’harmonie ; de la retenue, lenteur, indolence, une profondeur.
A Saigon, entre bruit et silence, j’ai goûté, l’atmosphère tourbillonnante et l’ambiance indisciplinée de la ville ; ses nuées pétaradantes et collantes de Honda — ici, on ne dit pas deux-roues, ils sont quasiment tous de la même marque– qui klaxonnent à tout va; le spectacle de ses rues bruyantes au ciel traversé de centaines de fils électriques ; ses trottoirs encombrés de marchands ambulants _ici rien ne se perd, tout se récupère_ ; ses marchés odorants parfois peu ragoûtants, grouillants de monde et de vie ; ses pho avalés à toute heure sur le pouce ou sur une chaise basse ; sa cuisine dévorée jusqu’au « forfait du ventre »; ses maisons coloniales qui côtoient taudis et gratte-ciels ; sa pauvreté qui saute aux yeux et aux narines ; le sentiment d’être millionnaire au premier retrait de dongs vietnamiens à la Poste ; les temples, ces havres de paix et leurs bâtons d’encens dont la fumée parfumée accompagne les prières, suit les âmes et monte au ciel. Comme un soupir de bien être.
Sur le Mékong, entre terre et eau, j’ai goûté les cafés hamacs qui bordent et bornent les routes cabossées ; les « chinoiseries » que les touristes s’arrachent ; le thé servi dans des tasses sorties de dînettes ; les fleurs de potiron sautées à l’ail de Hoi ; les salades de fruits jolies jolies made in Mékong ; le temps qui s’arrête pour mieux s’écouler au rythme du fleuve ; les scènes de la vie quotidienne volées depuis notre bateau ; les attaques de moustiques ; la paille de riz , le riz au lait, le lait de coco ; le caramel qui colle aux dents et à la mémoire ; l’air lourd et chaud qui n’empêche pourtant pas de respirer ; le soleil perçant qui lève oiseaux, grenouilles et passagers du Bassac ; les yeux dessinés sur les bateaux pour éloigner les mauvais génies ; les embarcations qui crachotent jusqu’au pittoresque marché sur l’eau de Cai Be ; les corbeilles débordant de fruits et légumes cultivés sur les terres fertiles arrosées par ce fleuve nourricier.
A Danang et Hôi An, entre chaud et froid, j’ai goûté les vestiges glaçants de la base aérienne américaine; les nouvelles constructions inachevées qui grignotent du terrain sur les rizières ; le boom immobilier sur la côte ; le Fusion Maia resort où règnent luxe, calme et volupté ; un lever de soleil entre les palmiers qui réalise un rêve d’adolescente ; un barbecue sur la plage ; le sable fin brûlant sous les pieds nus léchés par les vagues ; l’eau fraîche des piscines privatives ; les massages thaï ; les doigts de fée des couturières qui tissent la soie et brodent le coton ; la vieille ville-musée qui n’a pas oublié le sens du commerce ; le barbier loin de Séville ; les lampions de toutes les couleurs ; le port « aux passants lointains », le pont couvert japonais; les visages du marchés ; les chansons du Brassens local qui gratte sa guitare sur son bateau-bar.
A Hanoï entre passé et présent, j’ai goûté un tour de la capitale de légende au pas de charge ; l’opulence d’une autre époque et le dénuement actuel ; les immeubles coloniaux et les bâtiments officiels ; les lieux délicieusement rétro et les constructions de bric et de broc ; la splendeur, l’élégance et la mémoire du Sofitel Legend Metropole qui abrite Histoire et histoires ; les panneaux publicitaires gargantuesques et le commerce dans la rue ; le quartier des 36 guildes et ses rues du Sucre, de la Soie, des Orfèvres ou du Carton ; les objets d’art et les masques artisanaux ; le mausolée d’Ho Chi Minh et ses magasins de souvenirs très capitalistes ; le quartier de « l’oncle Ho », loin de celui de son cousin d’Amérique ; un vent de liberté et des oiseaux en cage ; la pagode du pilier unique et les piliers de la sagesse ; les parcs, bords de lacs et cours intérieures où on oublie les rumeurs de la rue ; les eaux tumultueuses du Fleuve rouge ; les tortues du Temple de la littérature ; les lotus qui poussent dans la boue mais ne sentent pas la vase ; le magique et enchanteur spectacle de marionnettes sur l’eau ; la pesanteur et la moiteur de l’air ; le frais et la légèreté des draps en coton brodés à l’ancienne…
Dans la Baie de Ha Long, entre rêve et réalité, j’ai goûté la huitième merveille du monde, née des coups de queue d’un dragon marin ; le mystère, la beauté à couper le souffle de ces châteaux rocheux posés sur l’eau, aux formes aussi surréalistes et féeriques que celles qu’on s’amuse à trouver dans les nuages cotonneux ; les traces de Catherine Deneuve ou Marguerite Duras qui ont navigué entre ces plus de 3000 pitons ; l’exploration des grottes et îlots perdus, des cabanes colorées des villages de pêcheurs; le cours de nems sur le pont ; un dîner improbable et magique dans une grotte ; le happy hour au soleil couchant et le happy birthday au soleil levant ; l’orage qui gronde, tourne, fait trois petits tours et puis s’en va ; les nuits en hôtel cinq étoiles, ou dehors sous mille belles étoiles…
Partout, entre décalage et accord parfait, j’ai goûté ces gens qui parlent et vivent au présent _en vietnamien, il n’y a pas d’autre façon de conjuguer et conjurer le temps ; le barrage de la langue qui cède sous la force d’un regard, d’un sourire ; la synthèse idéale entre bon sens paysan, bouddhisme et taoïsme ; la vraie vie et la vie vraie des villageois surpris au détour d’une balade ; des enfants qui savent jouer avec la nature ou trois fois rien; les tenues aériennes, vaporeuses, élégantes et colorées des Vietnamiennes ; ce refrain d’une bluette de Patrick Bruel qui soudain vient me hanter et qui fait : « j’attends Lola, j’attends Lola, j’attends Lola qui vient pas » ! ; les macabres souvenirs de guerre et la vie en paix avec soi ; les fous rires à « se casser le ventre » ; ou encore ces étrangers qui s’attachent au pays et doivent depuis cinq ans « repartir dans six mois »…
Comme le dit Chanta, sage vietnamienne rencontrée lors de ce voyage, « ici, tu vois, tu aimes, tu prends comme ça tu regrettes pas ». J’ai pris. J’en reprendrai.
Flo So.
Florence Moreau, journaliste à Sud Ouest
Bordeaux, le 14 août 2013
Bonjour,
Le Vietnam est un magnifique pays avec beaucoup de ressources.